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Carcinome urothélial métastatique : focus sur la combinaison enfortumab vedotin + pembrolizumab

Pendant plusieurs décennies, la chimiothérapie à base de sels de platine s’était imposée comme le traitement de première ligne des carcinomes urothéliaux localement avancés ou métastatiques. Suite à la présentation des résultats spectaculaires de l’étude EV-302, évaluant la combinaison enfortumab vedotin + pembrolizumab, lors du dernier congrès de l’ESMO, il faut s’attendre à voir arriver dans les prochaines recommandations des sociétés savantes, cette combinaison en première ligne de traitement du carcinome urothélial métastatique ou localement avancé.

T.Powles et al. N Engl J Med 2024 ; 390:875-88

 

Suite à la publication de l’article dans le New England Journal Of Medecine par T. Powles, le 7 mars 2024, le groupe vessie du CCAFU a souhaité recueillir l’avis d’expert du Dr Constance Thibault (Oncologue à l’HEGP, Membre du groupe urothélial du CCAFU et du GETUG).

 

Le pronostic des carcinomes urothéliaux métastatiques a été nettement amélioré depuis l’arrivée des anti-PD(L)-1, d’abord avec le pembrolizumab en 2ème ligne de traitement après la chimiothérapie, puis avec l’avelumab en traitement de maintenance chez les patients ne progressant pas sous chimiothérapie par sels de platine.(1,2) Plus récemment, une nouvelle classe thérapeutique a émergé en oncologie : les anticorps conjugués, avec en tête de liste l’enfortumab vedotin (EV). Cet ADC comprend un anticorps ciblant la nectine-4 (protéine exprimée par la quasi-totalité des cellules tumorales urothéliales) couplé au MMAE, un cytotoxique appartenant à la classe des poisons du fuseau. L’étude EV-301 avait démontré sa supériorité par rapport à la chimiothérapie chez des patients prétraités par chimiothérapie et immunothérapie et conduit à l’obtention d’un AMM européenne, avec la mise en place d’un accès précoce en France depuis 2021.(3) L’étude de phase 1 EV-103 avait rapporté des résultats très prometteurs de l’association EV+ Pembrolizumab en 1ère ligne de traitement avec un taux de réponse objective de 70%.(4) Une étude de phase III (EV-302) a donc été menée afin d’évaluer l’efficacité de cette association en 1ère ligne de traitement dans les carcinomes urothéliaux métastatiques, avec des résultats spectaculaires présentés lors du dernier congrès européen de cancérologie en octobre 2023.

 

Dans cette étude ouverte, 886 patients avec un carcinome urothélial métastatique naïfs de traitement ont été randomisés entre un traitement toutes les 3 semaines par EV (1,25 mg/kg à J1, J 8) + pembrolizumab (200 mg à J1) (EV+P) ou une chimiothérapie par gemcitabine + un sel de platine (cisplatine ou carboplatine). Étant donné le changement de standard de traitement avec l’avènement de l’avelumab en maintenance, un amendement a été effectué afin que les patients randomisés après l’amendement dans le bras standard puissent recevoir une maintenance par avelumab s’ils ne progressaient pas sous chimiothérapie (soit au total 30% des patients inclus dans le bras chimiothérapie). Le critère de jugement principal était composite et associait la survie sans progression (évaluée par revue centralisée en aveugle) (SSP) et la survie globale (SG).

 

Après un suivi médian relativement court de 17,2 mois, la médiane de SG et la SSP ont été doublées dans le bras EV+P par rapport au bras chimiothérapie, passant de respectivement 16,1 mois à 31,5 mois (HR= 0.47; IC95% 0,38-0,58; p<0.001) et 6,3 mois à 12,5 mois (HR=0.45; IC95% 0,38-0,54; p<0.001)(Figure 1). L’analyse en sous-groupe montre que l’ensemble des patients tire un bénéfice de cette nouvelle association, quel que soit : les sites métastatiques (ganglionnaires exclusifs ou non ; avec métastases hépatiques ou non), l’éligibilité au cisplatine, le statut PD-L1 (évalué par le score CPS) ou encore le primitif tumoral (vessie vs haut appareil urinaire). La médiane de durée de traitement était de 9 mois dans le bras EV+P (soit 12 cycles) vs 4,1 mois dans le bras chimiothérapie (soit 6 cycles). Le taux de réponse objective était aussi nettement meilleur sous EV+P (68%) que sous chimiothérapie (44%), avec notamment 29% de réponse complète sous EV+P. La médiane de durée de réponse sous EV+P n’était pas encore atteinte mais les auteurs rapportent que les deux tiers des patients (67%) étaient encore en réponse à 12 mois, alors qu’ils n’étaient que 35% dans le bras chimiothérapie. Concernant le profil de tolérance des traitements, les effets secondaires reliés au traitement les plus fréquents tous grades confondus sous EV+P étaient : la neuropathie (50%), le prurit (40%), et l’alopécie (33%). En comparaison à la chimiothérapie, les effets secondaires liés au traitement de grade ≥ 3 étaient moins fréquents sous EV+P (69,5% vs 55,9%). Les plus fréquents sous EV+P étaient le rash maculo-papuleux (8%) et l’hyperglycémie (5%). Dans le bras EV+P, ils ont été à l’origine d’une baisse de dose chez 40% des patients et un arrêt de traitement chez 35%.

 

Ces résultats spectaculaires avec une diminution de 50% du risque de progression et de décès et un doublement de la survie sans progression et de la survie globale vont donc positionner cette nouvelle association par enfortumab vedotin + pembrolizumab comme le nouveau standard de traitement de 1ère ligne de référence dans le carcinome urothélial métastatique. Le profil de tolérance semble acceptable, avec néanmoins une vigilance nécessaire en raison de la survenue de neuropathie chez la moitié des patients (symptômes particulièrement invalidant pour les patients), ainsi que le rash cutané dont l’évolution peut parfois être sévère voire fatale. La FDA a d’ores et déjà octroyé une autorisation de mise sur le marché aux Etats-Unis pour cette association en 1ère ligne de traitement chez l’ensemble des patients. L’EMA devrait aussi prochainement rendre un avis favorable. Reste à savoir si un accès précoce sera possible en France afin que nos patients puissent en bénéficier rapidement.

 

Dr Constance THIBAULT, Oncologie Médicale HEGP – APHP, Membre du Comité de Cancérologie de l’AFU.

Crédit photo : AdobeStock_504664687

 

Figure 1 : courbe de survie globale

  1. Bellmunt J, de Wit R, Vaughn DJ, Fradet Y, Lee JL, Fong L, et al. Pembrolizumab as Second-Line Therapy for Advanced Urothelial Carcinoma. N Engl J Med. 16 mars 2017;376(11):1015‑26.
  2. Powles T, Park SH, Voog E, Caserta C, Valderrama BP, Gurney H, et al. Avelumab Maintenance Therapy for Advanced or Metastatic Urothelial Carcinoma. N Engl J Med. 24 sept 2020;383(13):1218‑30.
  3. Powles T, Rosenberg JE, Sonpavde GP, Loriot Y, Durán I, Lee JL, et al. Enfortumab Vedotin in Previously Treated Advanced Urothelial Carcinoma. N Engl J Med. 25 mars 2021;384(12):1125‑35.
  4. Hoimes CJ, Flaig TW, Friedlander TW, Bilen MA. Enfortumab Vedotin Plus Pembrolizumab in Previously Untreated Advanced Urothelial Cancer. J Clin Oncol Off J Am Soc Clin Oncol. 2023;41(1):22‑31.

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