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Chapitre 06 – Andropause

Item 120 – UE 5

Auteurs : Louise Alechinsky, Sarah Drouin
Relecture : Morgan Rouprêt

Plan

  1. Pour comprendre
  2. Définition et physiopathologie
  3. Symptômes et signes cliniques
  4. Examens complémentaires
  5. Prise en charge thérapeutique

Objectif pédagogique

  • Diagnostiquer une andropause pathologique.

Résumé

  • Définition ISSAM 2002 : syndrome biochimique associé à l’âge, caractérisé par une diminution des androgènes dans le sérum avec ou sans diminution de la sensibilité aux androgènes, responsable d’une altération de la qualité de vie et d’un impact sur la fonction de plusieurs organes.
  • Symptômes : dysfonction érectile organique, baisse de la libido, bouffées de chaleur, perte de la mémoire, troubles de l’attention, dépression.
    => évaluation par score ADAM.
  • Signes cliniques : sarcopénie, obésité abdominale, gynécomastie, diminution de la pilosité, diminution de la densité minérale osseuse.
  • Examens complémentaires : testostéronémie biodiosponible < 0,8 ng/mL ou totale < 3 ng/mL contrôlée par un second dosage à 1 mois => confirmation DALA :
    • + dosage LH, FSH et prolactine
    • testostéronémie basse + LH élevée = déficit gonadotrope ;
    • testostéronémie basse + LH basse = hypogonadisme central ou mixte ;
    • éliminer un adénome hypophysaire devant une hyperprolactinémie
  • Situations favorisantes : obésité, alcoolisme chronique, médicaments.
  • Diagnostics différentiels : hypothyroïdie, adénome hypophysaire.
  • Bilan préthérapeutique : évaluation prostatique (score IPSS, TR et PSA), bilan biologique (TSH, hématocrite, bilan lipidique, glycémie à jeun, bilan hépatique) et ostéodensitométrie sur points d’appels.
  • Traitement : supplémentation hormonale par testostérone naturelle.
  • Surveillance : efficacité (bien-être, humeur et activité sexuelle) et effets secondaires (examen sénologique, IIPSS, TR, PSA et hématocrite).

Il faut veiller à :

  • ne pas débuter un traitement hormonal sans avoir éliminé un cancer de la prostate ;
  • ne pas débuter un traitement hormonal devant une testostéronémie effondrée sans signes cliniques ;
  • éliminer une hypothyroïdie ;
  • rechercher une andropause dans le bilan d’une ostéoporose chez l’homme.

I – Pour comprendre

A – Physiologie de l’axe gonadotrope

  • La double fonction des testicules est importante :
    • la fonction exocrine assure la spermatogénèse à partir des cellules germinales, dans la paroi des tubes séminifères ;
    • la fonction endocrine assure la sécrétion de la testostérone par les cellules de Leydig. La concentration de testostérone maintenue est globalement constante grâce à un équilibre dynamique entre l’activité sécrétoire du testicule et la dégradation progressive de l’hormone.
  • La sécrétion par l’hypophyse des gonadostimulines (fig. 6.1) :
    • LH qui stimule la sécrétion de la testostérone par les cellules de Leydig ;
    • FSH qui active indirectement la spermatogénèse en stimulant les cellules de Sertoli ;
    • diminution de la sensibilité de l’hypophyse avec l’âge qui est donc moins à même de répondre à la diminution de la testostérone.
  • L’hypophyse est sous le contrôle de l’hypothalamus :
    • sécrétion pulsatile de GnRH.
  • Le rétrocontrôle négatif de la testostérone sur les gonadostimulines et la GnRH.
Fig. 6.1. Axe hypothalamo-hypophyso-gonadique.

B – Différentes fractions de la testostérone

Il existe trois types de testostérone :

  • la testostérone fixée à la SHBG, protéine de transport dédiée qui représente les 2/3 de la testostérone totale ;
  • la testostérone libre (soit 2 % de la testostérone totale) qui est en réalité la forme véritablement active ;
  • la testostérone liée à l’albumine représente 38 % de la testostérone totale. Il s’agit de la fraction biologiquement inactive mais plus facilement mobilisable que celle liée à la SHBG.

Concernant les dosages biologiques :

  • testostérone totale : elle correspond au dosage le plus accessible en pratique courante. Elle va doser en réalité les trois fractions de la testostérone. Elle ne reflète pas la fraction réellement active. La valeur du dosage dépend des variations de la SHBG, et la norme est établie entre 3 et 10 ng/mL ;
  • testostérone libre : elle correspond à la fraction biologiquement active de la testostérone. Ce dosage permet d’évaluer au mieux l’imprégnation androgénique de l’individu, mais il s’agit d’une méthode de dosage inutilisable en routine ;
  • testostérone biodisponible : elle permet d’apprécier l’androgénicité du sujet. Elle échappe aux fluctuations de la SHBG ;
  • index de testostérone libre : il est obtenu en divisant la testostérone totale par la SHBG.

Testostérone biodisponible = testostérone libre + testostérone liée à l’albumine.

II – Définition et physiopathologie

A – Définition

Le terme d’andropause est inadéquat car il n’insiste pas sur le caractère progressif et aléatoire. Il faut lui préférer : DALA (déficit androgénique lié à l’âge) ou PADAM (Partial Androgen Deficiency in the Aging Male) (déficit androgénique partiel de l’homme âgé) ou SDT (syndrome de déficit en testostérone).

Les notions suivantes sont importantes :

  • déficit = insuffisance sécrétoire ;
  • androgénique = terme imprécis en raison du caractère pluriel des androgènes, l’androgène majeur étant la testostérone ;
  • partiel = relativité du déficit entraînant des difficultés diagnostiques ;
  • de l’homme âgé = synonyme de vieillissement ou sénescence.

Il y a peu de similitude avec la ménopause. En effet, le DALA est inconstant même s’il est fréquent (10–20 % des hommes après 50 ans, et jusqu’à 50 % après 70 ans). La profondeur du DALA est variable d’un sujet à l’autre, et son apparition est très progressive.

La définition 2002 de l’International Society for the Study of the Aging Male (ISSAM) est :

  • syndrome biochimique ;
  • associé à l’âge ;
  • caractérisé par une diminution des androgènes dans le sérum avec ou sans diminution de la sensibilité aux androgènes ;
  • altération de la qualité de vie et impact sur la fonction de plusieurs organes.

B – Physiopathologie du déficit androgénique lié à l’âge (DALA)

Le déficit testiculaire lié à l’âge occasionne une réduction du nombre de cellules de Leydig et de Sertoli, une sclérose artériolaire, une fibrose de l’albuginée et une réduction du volume du parenchyme testiculaire.

L’altération de la sécrétion gonadotrope est causée par le dysfonctionnement de l’hypothalamus, un déficit de synthèse en GnRH et un fonctionnement hypophysaire normal mais dont la sensibilité est parfois diminuée.

III – Symptômes et signes cliniques

A – Symptômes

1 – Troubles de la sexualité

La diminution des érections nocturnes ou matinales est un signe d’appel essentiel qu’il ne faut pas négliger. Au cours du DALA, la dysfonction érectile est d’origine organique. L’érection est généralement plus longue à obtenir malgré des stimuli toujours plus importants. La détumescence est également plus rapide et la phase réfractaire s’allonge. Une baisse de la libido doit être recherchée à l’interrogatoire, ainsi qu’une réduction de la fréquence des rapports sexuels. Une altération de la qualité de l’orgasme est parfois associée à ces troubles. Enfin, le patient peut signaler une réduction du volume et faiblesse de l’expulsion du sperme.

2 – Troubles vasomoteurs

Ils sont caractérisés par des bouffées de chaleur, une sudation excessive, des troubles du sommeil et une fatigabilité secondaire.

3 – Troubles neuropsychologiques

Ce sont des troubles à évoquer en présence de : perte de mémoire, troubles de l’attention, diminution manifeste des capacités d’orientation dans l’espace, irritabilité, asthénie, anorexie, baisse de l’élan vital ou humeur dépressive. Tous ces symptômes sont aspécifiques, de développement insidieux, et doivent retenir l’attention du clinicien.

L’évaluation objective des symptômes se fait à l’aide du score ADAM (tableau 6.1).

Tableau 6.1 Questionnaire ADAM (androgen déficiency in aging male).
Source : Morley JE, Charlton E, Patrick P, Kaiser FE, Cadeau P, McCready D, Perry HM 3rd. Validation of a screening questionnaire for androgen deficiency in aging males. Metabolism 2000 ; 49(9) : 1239–1242.
1 – Éprouvez-vous une baisse du désir sexuel ?
2 – Éprouvez-vous une baisse d’énergie ?
3 – Éprouvez-vous une diminution de force et/ou d’endurance
4 – Votre taille a-t-elle diminué ?
5 – Avez-vous noté une diminution de votre joie de vivre ?
6 – Êtes-vous triste et/ou maussade ?
7 – Vos érections sont-elles moins fortes ?
8 – Avez-vous noté une altération récente de vos capacités ?
9 – Vous endormez-vous après le dîner ?
10 – Votre rendement professionnel s’est-il réduit ?
RÉSULTATS :
– une réponse positive aux questions 1 et/ou 7 équivaut à un déficit en testostérone
– ou bien une réponse positive à au moins 3 questions

B – Signes cliniques

Ils sont non spécifiques du DALA.

La diminution de la masse musculaire correspond à la sarcopénie et peut être sévère (jusqu’à 40 %) et s’accompagne d’une faiblesse musculaire. Les autres signes à rechercher sont : une obésité abdominale (associée à une augmentation de la graisse viscérale), une diminution de la pilosité (diminution de la fréquence des rasages), une atrophie cutanée, une gynécomastie, une diminution de la densité minérale osseuse, une ostéopénie, une ostéoporose, une atrophie testiculaire, un syndrome métabolique (obésité abdominale, hypertension artérielle, dyslipidémie).

IV – Examens complémentaires

A – En première intention

Il est recommandé d’essayer de réaliser un dosage de la testostérone biodisponible. Lorsque ce dosage n’est pas possible, le dosage de la testostérone totale doit être utilisé comme une valeur approximative de la testostérone biodisponible. Le dosage doit être réalisé entre 8 h et 10 h du matin.

Le diagnostic de DALA est éliminé dès lors que :

  • testostérone biodisponible > 0,8 ng/mL ;
  • testostérone totale > 3,5 ng/mL (12 nmol/L).

Dans le cas contraire, il faut poursuivre les investigations.

B – En seconde intention

Un nouveau dosage de la testostérone biodisponible 2 à 4 semaines après le premier est recommandé. Les autres dosages hormonaux utiles sont :

  • testostérone totale et SHBG (si non faits) ;
  • FSH et LH.

Interprétation :

  • testostéronémie basse et LH/FSH élevées = hypogonadisme testiculaire/DALA
  • testostéronémie basse et LH/FSH normal basses = atteinte centrale

Les autres examens complémentaires à demander :

  • prolactinémie (adénome hypophysaire à prolactine peut être responsable d’une baisse de la testostérone) ;
  • TSHus ;
  • bilan préthérapeutique (cf. infra).

V – Prise en charge thérapeutique

A – Indications

Il faut traiter le patient dès lors qu’il existe un ou plusieurs déficits dans les systèmes androgéno-dépendants et un taux de testostérone inférieur à la normale. Le traitement ne se conçoit qu’après une information claire, loyale et appropriée sur les bénéfices et risques du traitement, sur la nécessité d’une surveillance.

1 – Prise en charge des situations favorisantes

Il faut rechercher et traiter les conditions médicales suivantes qui favorisent le DALA :

  • obésité (baisse de 25 % de la testostéronémie totale chez les obèses) ;
  • alcoolisme chronique ;
  • atrophie testiculaire post-infectieuse, traumatique ou iatrogène ;
  • pathologie chronique (cancer, VIH, insuffisance d’organe, hémochromatose, lupus) ;
  • traitements médicamenteux ;
  • sédentarité.

2 – Diagnostics différentiels

Il faut savoir éliminer les diagnostics suivants avant de conclure à un DALA :

  • vieillissement physiologique ;
  • hypothyroïdie ;
  • hypogonadismes centraux :
    • un adénome hypophysaire à prolactine,
    • un hypogonadisme secondaire à une maladie chronique ou à un traitement médicamenteux.

B – Avant d’instaurer le traitement

1 – Éliminer une contre-indication au traitement

  • Contre-indications absolues :
    • cancer de la prostate ;
    • cancer du sein ;
    • antécédents de délinquance sexuelle.
  • Contre-indications relatives :
    • polyglobulie ;
    • hématocrite > 55 % ;
    • risque de thrombose ;
    • risque de rétention aiguë d’urine sur adénome de prostate symptomatique ;
    • syndrome d’apnées du sommeil.

L’âge n’est pas une contre-indication.

2 – Bilan préthérapeutique

Il comprend une évaluation prostatique (score IPSS, toucher rectal et dosage du PSA total), un bilan biologique endocrinien (hématocrite, bilan lipidique, bilan hépatique, glycémie) et une ostéodensitométrie en cas de DALA profond ou de points d’appel cliniques.

C – Traitement

Il est basé sur l’administration de testostérone naturelle au patient jusqu’à obtention d’une concentration plasmatique aussi proche que possible de la sécrétion physiologique.

Les voies d’administration de la testostérone sont multiples :

  • transdermique : gel hydroalcoolique de testostérone (Androgel®) (non remboursé) ;
  • per os : undécanoate de testostérone (Pantestone®) ;
  • intramusculaire : enanthate de testostérone (Androtardyl®).

D – Surveillance

Elle est indispensable et doit être effectuée selon un échéancier régulier : à 3, 6 et 12 mois la première année, puis annuellement.

La surveillance du traitement a pour but d’évaluer l’efficacité du traitement en insistant notamment sur certains paramètres : le sentiment général de bien-être, l’humeur du patient et son activité sexuelle.

Il faut veiller à rechercher des effets secondaires en pérennisant l’examen prostatique et sénologique.

La surveillance biologique est basée sur les dosages itératifs de : testostéronémie, PSA sérique, bilan lipidique et hématocrite.

Les principaux éléments de la démarche diagnostique sont présentés dans la fig. 6.2.

Fig. 6.2. Arbre diagnostique devant une suspicion de DALA.

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