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Virus HPV chez l’homme : la vaccination comme puissant rempart

Au cours de leur vie, près de 100 % des personnes sont exposées à une infection à Papilloma Virus Humains (HPV). Parmi les HPV recensés, une dizaine sont des virus oncogènes pouvant entrainer des lésions de dysplasie ou des cancers. Les pouvoirs publics ont pris la mesure de ce vaste problème de santé publique en lançant début septembre, une campagne de vaccination des collégiens français.

Le 28 février 2023, Emmanuel Macron annonçait la mise en place d’une campagne de vaccination contre les infections à Papilloma Virus Humains. Emboitant le pas du Président de la République, le 4 septembre dernier, Aurélien Rousseau, ministre de la Santé et Gabriel Attal, ministre de l’Éducation Nationale donnaient le coup d’envoi de cette première initiative nationale destinée à protéger les jeunes âgés de 11 à 14 ans des dangers des HPV. Si la vaccination n’est en aucun cas obligatoire, elle est néanmoins fortement conseillée.

 

Un virus omniprésent

« L’HPV est un virus omniprésent. On estime que 100 % des personnes vont en rencontrer un au cours de leur existence », explique le Dr Charlotte Methorst urologue, présidente de la société d’andrologie de langue française et membre du comité d’andrologie et de médecine sexuelle de l’Association Française d’Urologie. Être positif au HPV signifie que l’on est porteur du virus. Mais lequel ? On dénombre en effet 180 génotypes d’HPV dont 40 à tropisme génital. Tous sont ne sont pas cancérigènes, mais leur impact sur la qualité de vie est majeur. L’HPV est un virus ADN à tropisme muqueux et cutané et résistant à la plupart des topiques nettoyants. Il existe différents modes d’infection. La transmission fait suite à une micro-altération de la barrière muqueuse ou cutanée (traumatisme, rapport sexuel). « Il est très difficile d’éviter la contamination », prévient le Dr Methorst. Compte tenu de la toute petite taille du virus HPV, le préservatif ne suffit malheureusement pas à s’en protéger. « Il est évidemment conseillé d’en utiliser, explique la spécialiste. Mais le virus passe à travers le maillage des préservatifs. Tant que les lésions sont présentes la transmission est très facile ». Dans la lutte contre les condylomes (petites papules rosées ressemblant à des crètes de coq qui apparaissent sur les parties génitales)et surtout pendant la phase excrétoire, le meilleur moyen de prévention est l’abstinence. Quant aux consignes postopératoires édictées par les spécialistes, elles suggèrent aux patients d’éviter les rapports sexuels. On distingue différents types d’infections : l’infection productive avec excrétion virale (qui donne lieu à l’apparition de condylomes), l’infection transitoire asymptomatique (décroissance virale mais risque de contamination), l’infection latente (présente mais silencieuse et qui comporte un risque oncologique par l’intégration de l’HPV virale au génome et la perturbation du cycle cellulaire).

 

Comment détecter l’HPV

Chaque année en Europe, les condylomes touchent environ 330 000 hommes et 300 000 femmes. En cas de suspicion de contamination, la première étape consiste à obtenir un diagnostic précis. « L’urologue va procéder à un examen clinique attentif et approfondi des organes génitaux du patient (fourreau de la verge, gland, pubis). Il se sert d’une loupe pour mieux détecter les lésions. Si nécessaire, il prescrit et réalise des examens complémentaires (péniscopie à l’aide d’acide acétique dilué qui met en évidence les lésions, examen du méat urétral pour vérifier la présence de condylomes dans l’urètre et éventuellement fibroscopie). L’urologue inspecte également la marge anale », explique le Dr Ludovic Ferretti, urologue à Bordeaux et membre du comité de cancérologie de l’Association Française d’Urologie. La biopsie n’est pas systématique. Elle est indiquée « lorsque les lésions ne sont pas reconnues d’emblée par le spécialiste et font douter d’une évolution cancéreuse », note le Dr Ferretti. Le risque de dysplasie au niveau de la verge (développement de cellules cancéreuses) peut faire craindre l’apparition d’un cancer du pénis.

 

Quels traitements

Une fois le diagnostic posé, le spécialiste prescrit un traitement topique (crème) que le patient fait à domicile. « Lorsque les lésions sont récidivantes, elles sont traitées au cabinet de l’urologue par laser CO2 ou cryothérapie ». Le Dr Ferretti précise que La chirurgie est rarement indiquée d’emblée sauf en cas de lésion tumorale avérée ou fortement suspectée. « Dans de rares cas de lésions très étendues, l’urologue propose une chirurgie qui va consister en une exérèse des lésions suivie d’une reconstruction de la muqueuse du gland, le plus souvent à l’aide d’une peau. Le traitement médical local à base de crème (immunomodulateurs) ou de cryothérapie (comme pour les verrues plantaires) peut suffire, s’il est bien toléré, à solutionner le problème». Les lésions repérées comme étant précancéreuses sont parfois traitables par des topiques locaux après avoir été confirmées par une biopsie et un examen anatomopathologique approprié. Cependant, s’agissant de molécules entrainant des effets secondaires locaux parfois importants, une durée maximale de traitement est fixée. Ces thérapies conservatrices exposent à 20 % de récidive. En conséquence, la surveillance des patients concernés est de deux ans.

 

L’impact sur l’image de soi

L’infection à HPV peut entrainer de graves conséquences sur la qualité de vie des patients. De nombreuses études prouvent que chez les patients porteurs d’une lésion bénigne ou de dysplasie, l’impact sur la qualité de vie et plus spécifiquement sur la vie sexuelle est prégnant. Il s’agit d’une maladie vécue comme très dégradante et sale. On retrouve chez les patients atteints de condylomes, des scores d’anxiété élevés et des dysfonctions sexuelles (troubles de l’orgasme et de l’érection).  Cela n’est pas liés au virus lui-même mais à l’effet des lésions sur l’estime de soi. S’ajoute au sein du couple, le problème de la suspicion, l’absence de protection possible et de test sanguin pour détecter la maladie chez le partenaire.

 

L’évolution vers le cancer

Les HPV 6, 11, 16, 18, 31, 33, 45, 52, 58 sont les principaux virus oncogènes. Les HPV 6 et 11 sont des virus de bas risque oncogène quand les HPV 16 et 18 sont de haut risque oncogène. « Certains individus vont intégrer l’HPV oncogène dans leur ADN cellulaire. Le virus va se répliquer et induire des lésions de dysplasie au niveau du col de l’utérus chez la femme. Chez l’homme, il engendre des lésions précancéreuses également (maladie de Bowen et papulose Bowénoïde). Ces lésions plus graves peuvent évoluer vers des cancers du pénis », explique le Dr Methorst qui ajoute que les HPV oncogènes sont impliqués dans plusieurs types de cancers. Ils sont à l’origine de 95 % des cancers du col de l’utérus chez la femme et chez l’homme, des cancers de la sphère ORL, du pénis et du canal anal.

 

L’efficacité de la vaccination 

Le vaccin Gardasil 9 représente un véritable espoir dans la lutte contre les HPV 6, 11, 16, 18, 31, 33, 45, 52 et 58. Il s’agit d’un vaccin non avalant, c’est-à-dire qu’il contient à la fois des HPV à haut risque et des HPV à bas risque. La protection vaccinale dès l’adolescence protège à plus de 99 % des HPV oncogènes. Les nouvelles recommandations conseillent une couverture non genrée de la population et très active dans les classes de 5ème. Chez les filles et les garçons âgés de 11 à 14 ans, le schéma vaccinal du Gardasil 9 est de 2 doses (M0-M6). Le rattrapage vaccinal peut se faire entre 15 et 19 ans révolus selon un schéma à 3 doses. Dans certains pays comme l’Australie, la vaccination est étendue jusqu’à 75 ans. « L’impact en population générale est intéressant. En Australie, la vaccination a permis de se débarrasser d’une grande majorité de condylomes et des cancers associés à l’HPV. Les cancers du col de l’utérus, du canal anal et du pénis ont totalement disparu. Le condylome a été réduit de 98 % », fait remarquer le Dr Methorst. S’agissant d’un virus de plus en plus impliqué dans les cancers, l’intérêt économique de la vaccination est important en raison du coût engendré par le dépistage, la prise en charge chirurgicale et la prise en charge des complications. Sans compter le fait qu’une personne ayant présenté un cancer HPV induit a beaucoup plus de risques de présenter un deuxième type cancer HPV induit (cancer de l’oropharynx par exemple qui aux USA est à 80 % induit par l’HPV). La vaccination après l’apparition d’un premier cancer réduit nettement l’incidence d’un deuxième cancer. « Même s’il est difficile pour les parents d’accepter une vaccination aussi jeune et assez loin de la vie sexuelle, nous insistons sur son utilité. On vaccine tôt car on rencontre l’HPV précocement, avant 20 ans et en dehors d’une sexualité adulte et pénétrative », conclut le Dr Methorst en rappelant que « les caresses suffisent pour être contaminé ».

 

Vanessa Avrillon

13-10-2023

Crédit photo : AdobeStock_60490612

 

Pour compléter vos connaissances : Urofrance | De la MST au cancer : les dangers de l’HPV – Urofrance

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