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Chapitre 13 – Transplantation d’organes

Auteurs : Nicolas de Saint-Aubert, Claire Billault
Relecture : Morgan Rouprêt

Plan

  1. Préambule
  2. Épidémiologie
  3. Rappels d’immunologie
  4. Préparation à la greffe
  5. Transplantation rénale
  6. Après la transplantation
  7. Infections en transplantation
  8. Aspects éthiques et légaux

Objectifs pédagogiques

  • Expliquer les aspects épidémiologiques et les résultats des transplantations d’organe et l’organisation administrative.
  • Argumenter les aspects médico-légaux et éthiques liés aux transplantations d’organes.
  • L’exemple de la transplantation rénale : expliquer les principes de choix dans la sélection du couple donneur-receveur et les modalités de don d’organe. Argumenter les principes thérapeutiques, et les modalités de surveillance d’un sujet transplanté rénal.

Résumé

  • Préparation du receveur :
    • bilan prétransplantation exhaustif, recherche des contre-indications formelles ou non : anesthésiques, opératoires, infectieuses, tumorales ;
    • état nutritionnel et général ;
    • contrôle de l’HTA et des paramètres biologiques (anémie, anomalies du bilan phosphocalcique).
  • Bilan du donneur et receveur indispensable à la transplantation :
    • groupage ABO et rhésus ;
    • typage HLA classe I (A et B), classe II (DR et DQ) ;
    • sérologies VIH, VHB, VHC, HTLV, EBV, CMV, syphilis.
  • Attribution :
    • agence de biomédecine ;
    • facteurs immunologiques, géographiques, caractère urgent ou non, délais d’attente, âge ;
    • respect de la comptabilité ABO ;
    • cross-match lymphocytaire (positif = contre-indication formelle à la transplantation).
  • Complications :
    • postopératoires (précoces) ;
    • rejet (aigu ou chronique) ;
    • infectieuses liées aux immunosuppresseurs : bactériennes +++, virales, fongiques, parasitaires ;
    • tumorales liées aux immunosuppresseurs : cutanées, hématologiques, rénales…
  • Surveillance et suivi :
    • multidisciplinaire, partagé et coordonné par le centre de transplantation ;
    • rapproché et systématique ;
    • clinique, biologique, morphologique et fonctionnel ;
    • pour toute hospitalisation en urgence, prévenir le centre de transplantation et réaliser le bilan minimal suivant :
      • ionogramme sang et urine, calcul de la clairance,
      • BU, ECBU, protéinurie,
      • hémogramme, calcémie phosphorémie, bilan hépatique,
      • concentration sanguine des immunosuppresseurs.
  • Donneur décédé :
    • consentement présumé ;
    • opposition de son vivant = pas de greffe ;
    • accord de la famille tacite remis en cause (loi Touraine).
  • Donneur vivant :
    • consentement éclairé ;
    • exprimé au tribunal de grande instance ;
    • donneur mineur = responsabilité parentale ;
    • information sur les conséquences physiques psychiques et sociales.

I – Préambule

Transplantation : prélèvement d’un organe d’un donneur et implantation à un receveur avec rétablissement de la continuité vasculaire. Elle peut être :

  • orthotopique lorsque l’implantation est en même position anatomique (ex : cœur) ;
  • hétérotopique dans le cas inverse (ex : rein).

Greffe : prélèvement et implantation de tissus, sans anastomose vasculaire (ex : cornée, cellules pancréatiques, moelle osseuse). On parle :

  • d’autogreffe chez le même individu ;
  • greffe syngénique si le donneur et le receveur sont génétiquement identiques (jumeaux homozygotes) ;
  • d’allogreffe lorsque le donneur et le receveur sont génétiquement différents mais de la même espèce ;
  • de xénogreffe lorsqu’ils appartiennent à des espèces différentes.

II – Épidémiologie

Le rein est l’organe le plus greffé en France et dans le monde occidental.

Le paysage de la transplantation d’organes, et en particulier de la transplantation rénale, s’est radicalement modifié depuis les années 2000 :

  • augmentation importante du nombre de patients en liste d’attente ;
  • augmentation insuffisante du nombre de prélèvements d’organe ;
  • modification de la démographie des donneurs et des receveurs ;
  • diversification des sources d’organes.

A – Donneurs d’organes

En 2013, il y a eu 3 336 donneurs potentiels recensés par l’Agence de la biomédecine, et 1 627 donneurs effectivement prélevés. Par comparaison, en 2000, les chiffres étaient de 2 016 et 1 016 respectivement, 2 802 et 1 371 en 2005, et 3 049 et 1 476 en 2010.

Cinquante-sept pour cent des décès étaient d’origine vasculaire, et 25 % d’origine traumatique contre 48,8 % et 39 % en 2000 et 56 % et 28,6 % en 2005.

La part des donneurs âgés de plus de 50 ans augmente de façon croissante, surtout au profit des donneurs les plus âgés, au-delà de 65 ans (augmentation de 412 % en 10 ans, soit 37,5 % des donneurs en 2013, contre 27,8 % en 2010).

Le programme de don d’organes à partir de donneurs décédés après arrêt cardiaque a débuté pour le rein en 2006, et a été étendu au foie en 2010. Quinze centres sont actuellement habilités pour cette activité en France.

Le nombre de greffes de rein à partir de donneurs vivant a augmenté, de 197 en 2005 (7,7 %) à 401 en 2013 (13 %). Cette activité a en revanche fortement diminué en greffe hépatique.

B – Receveurs

Il existe une forte inadéquation entre le nombre de patients inscrits en liste d’attente et le nombre de patients greffés chaque année. Au premier janvier 2013, il y avait 9 869 patients en attente de greffe en France, et au cours de cette même année 3 074 ont été greffés et 4 467 nouveaux patients ont été inscrits. Le nombre de greffes réalisées est clairement insuffisant pour pallier le nombre de nouveaux inscrits, et cette situation s’aggrave chaque année.

III – Rappels d’immunologie

On peut schématiser en trois phases les mécanismes de reconnaissance immune au cours de la transplantation :

  • reconnaissance de l’organe comme un élément étranger ;
  • activation des lymphocytes spécifiques des antigènes présentés par le greffon ;
  • phase de rejet proprement dite.

Les antigènes présentés par le greffon et reconnus par le système immunitaire appartiennent au système HLA en classe I (HLA-A, HLA-B, HLA-C) et en classe II (HLA-DP, HLA-DQ, HLA-DR). En pratique clinique, donneurs et receveurs sont identifiés sur les molécules de HLA-A, HLA-B, HLA-DR et HLA-DQ.
Il existe deux voies de présentation des antigènes au système immunitaire :

  • la voie de présentation directe : les lymphocytes T du receveur réagissent avec les molécules HLA étrangères des cellules présentatrices d’antigène (CPA) du receveur, apportées avec le greffon ;
  • la voie de présentation indirecte : les lymphocytes T du receveur réagissent à des peptides antigéniques obtenus à partir des cellules du donneur (c’est-à-dire du greffon) et présentées par les CPA du receveur, portant ses propres molécules HLA. Ce mécanisme est similaire à celui observé lors d’infections bactériennes.

Dans les épisodes de rejet aigu, la voie de présentation directe semble être prépondérante ; en revanche, la voie indirecte semble plus importante dans le développement du rejet chronique.

La réponse allo-immune est exacerbée lors de la transplantation en elle-même par des phénomènes appelés ischémie-reperfusion (la séquence d’événements entre le prélèvement d’organe, la préservation à froid de l’organe, et la reperfusion brutale lors de la transplantation et du déclampage), qui génère énormément d’inflammation au niveau du greffon. Cette inflammation est à l’origine de la production de cytokines entraînant un recrutement de CPA, en particulier des macrophages, au niveau de l’organe. Le greffon est donc introduit dans un organisme « en état de guerre », prêt à le rejeter fortement.

L’activation des lymphocytes T et le déclenchement de la réponse immune passent par plusieurs étapes, qui sont chacune cible de différentes drogues immunosuppressives :

  • la reconnaissance du complexe antigène-molécule HLA sur la CPA par le récepteur T des lymphocytes ;
  • la costimulation du lymphocyte T par reconnaissance de molécules non antigéniques à la surface de la CPA ;
  • la cascade de signalisation intracytoplasmique, entre autres par la voie de la calcineurine ;
  • la production et la libération de cytokines permettant l’activation des lymphocytes T ;
  • la mise en route du cycle cellulaire et de la multiplication des lymphocytes T sous l’effet de l’activation.

Les lymphocytes T ne sont pas les seuls éléments à jouer un rôle dans le rejet. Les lymphocytes B sont responsables de la composante humorale du rejet, intervenant en début de transplantation sous forme de rejet hyperaigu.

IV – Préparation à la greffe

A – Receveurs

Le bilan prégreffe chez le receveur a trois buts principaux :

  • s’assurer de la faisabilité de la greffe, sur le plan chirurgical et anesthésiologique ;
  • s’assurer de l’absence de foyer infectieux latent susceptible de s’exacerber sous traitement immunosuppresseur ;
  • s’assurer de l’absence de tumeur occulte susceptible de s’exacerber sous traitement immunosuppresseur.

L’objectif des premières consultations, parfois même avant l’inscription officielle sur la liste d’attente, est de faire un récapitulatif des antécédents du patient et d’explorer les différents points sus-cités. Ce bilan devra être réactualisé une fois par an pendant toute la durée d’attente, et le dossier tenu à jour afin d’éviter la découverte lors d’un appel pour greffe d’une contre-indication secondaire à un nouvel événement médical.

Le bilan prétransplantation doit comporter :

  • une anamnèse néphrologique : étiologie de l’insuffisance rénale chronique (IRC), date de début de l’IRC, date de mise en dialyse et modalités de celle-ci, antécédent de ponction-biopsie rénale et ses résultats. L’étiologie de l’IRC est particulièrement importante pour estimer les risques de récidive de certaines maladies sur le greffon ou d’éventuelles particularités chirurgicales (en particulier en termes de réimplantation urétérale) ;
  • un bilan cardiaque et pulmonaire complet : afin d’estimer d’une part le risque anesthésique, et d’autre part de rechercher l’éventuelle indication à une greffe combinée cœur-rein. Sur le plan pulmonaire, il faut rechercher les antécédents de tuberculose, par l’interrogatoire et la réalisation d’un test type QuantiFERON®, et les antécédents de tabagisme pour estimer le risque de tumeurs bronchiques, pulmonaires, ORL ou urothéliales. Toute anomalie du bilan doit entraîner une consultation en milieu spécialisé afin de poursuivre les investigations ;
  • un bilan de l’appareil digestif : fibroscopie digestive haute et Hemoccult II® à partir de 40 ans, coloscopie en cas d’antécédents personnels ou familiaux de tumeur colorectale, échographie abdominale, bilan hépatique complet et sérologie des hépatites. Ces examens ont une fois de plus pour but de s’assurer de l’absence de tumeur ou de pathologie infectieuse susceptible de s’aggraver après la greffe ;
  • un bilan urologique : afin de dépister des lésions tumorales de la prostate, du testicule, du rein ou de la voie excrétrice, ou des malformations de l’appareil urinaire devant faire modifier la stratégie de greffe. On réalise un examen clinique complet, un scanner abdomino-pelvien, injecté si le patient est déjà dialysé, ou sinon complété d’une échographie réno-vésicale, un dosage du PSA chez les hommes de plus de 50 ans. Parmi les données de l’examen clinique et du scanner on évalue la taille des reins chez les patients porteurs d’une polykystose hépatorénale, afin de déterminer si une néphrectomie prégreffe est nécessaire ;
  • un bilan vasculaire : il s’agit à la fois de rechercher des lésions nécessitant un traitement préalable, telles une sténose carotidienne serrée ou une importante artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI), et de prévoir d’éventuelles difficultés techniques lors de la transplantation. Pour cela, on demande un scanner abdomino-pelvien injecté, ou, si le patient n’est pas encore dialysé, un scanner abdomino-pelvien sans injection complété de Doppler artériel et veineux de l’aorte et de ses branches jusqu’aux membres inférieurs. L’étude du réseau veineux et non seulement artériel est indispensable. Les clichés non injectés du scanner permettent d’évaluer le degré de calcification des vaisseaux, d’estimer les difficultés de clampage et de suture lors du geste et de choisir le côté le plus approprié à la transplantation.
    En cas d’hémodialyse, on vérifiera également le type et l’état de la voie d’abord (fistule artérioveineuse [FAV], cathéter tunnélisé) ;
  • un bilan des autres appareils : un suivi gynécologique avec mammographie de moins de 2 ans et frottis cervico-vaginal annuel est nécessaire chez les candidates à la transplantation, et un bilan stomatologique à la recherche de foyers infectieux cachés doit être réalisé annuellement. Des consultations en ophtalmologie, en ORL et en dermatologie, principalement à la recherche de lésions tumorales, seront demandées en cas de facteurs de risque retrouvés à l’interrogatoire ;
  • un bilan biologique : celui-ci comporte un bilan hématologique de base, une électrophorèse des protides, un bilan lipidique, un bilan hépatique, un bilan calcique, un bilan glycémique, la recherche d’hémoglobinopathies en fonction de l’origine ethnique. Sur le plan infectieux, les sérologies virales doivent être contrôlées tous les ans : hépatites B et C, VIH, HHV8, HTLV, EBV, CMV, HSV, VZV. On vérifie aussi les sérologies contre la toxoplasmose et la syphilis ;
  • un bilan immunologique : détermination du groupe sanguin et du typage HLA A B DR DQ, recherche de circonstances favorisant l’immunisation anti-HLA (greffes antérieures, transfusions, grossesses), recherche et identification d’anticorps anti-HLA en classes I et II, par technique sensible (ELISA, Luminex®, etc.) et une fois en lymphocytotoxicité. Ce dernier examen doit être réalisé tous les 3 mois, en particulier chez les patients hyperimmunisés afin que ceux-ci puissent bénéficier de priorités à l’échelon national dans l’attribution des greffons.

B. Dépistage des tumeurs occultes

La découverte de tumeur dans le bilan prétransplantation est rare (environ 2,9 % des candidats à la transplantation) mais l’évolution d’une tumeur méconnue sous immunosuppression peut être très grave. Les patients atteints d’IRC sont à risque accru de développer des tumeurs des reins natifs (sur maladie multikystique acquise), des tumeurs prostatiques, des tumeurs utérines et des hépatocarcinomes. Le risque de développement de tumeurs cutanées est par ailleurs augmenté après la greffe.

Les principales tumeurs recherchées dans le bilan prégreffe sont donc :

  • les lésions mammaires ;
  • les lésions colorectales ;
  • les lésions prostatiques ;
  • les lésions pulmonaires ;
  • les lésions rénales et la maladie multikystique acquise (MMA) ;
  • les lésions cervico-vaginales ;
  • les tumeurs cutanées ;
  • les hépatocarcinomes ;
  • les tumeurs urothéliales.

Il est bien entendu tout aussi important de dépister les lésions précancéreuses aux mêmes sites, afin de permettre un traitement précoce.

La stratégie de dépistage est basée en premier lieu sur un examen clinique complet lors du bilan prégreffe et de ses réactualisations annuelles. En cas de découverte de tumeur, le projet de greffe est rarement définitivement abandonné mais doit être repoussé, en fonction du type et de l’extension de la tumeur de quelques mois (carcinome tubulo-papillaire de découverte fortuite sur MMA) à plusieurs années.

C. Donneurs décédés

1. Types de donneurs

Les prélèvements d’organes peuvent être réalisés chez deux types de donneurs :

  • donneurs décédés de mort encéphalique (DDME) : ce sont les donneurs d’organes « classiques » chez qui peuvent être prélevés les reins, le cœur, les poumons, le foie, le pancréas, l’intestin grêle. Les conditions de déclaration de décès et d’éligibilité au don d’organe sont détaillées plus loin ;
  • donneurs décédés après arrêt cardiaque (DDAC) : seuls les reins et le foie sont à l’heure actuelle prélevés chez ce type de donneur. Le protocole de greffe à partir de DDAC a débuté en France en 2006, initialement en transplantation rénale puis en transplantation hépatique depuis 2009. Compte tenu de la survenue d’une ischémie chaude, et donc du risque de non-fonction primaire du greffon ou de reprise retardée de fonction plus importants qu’avec les DDME, la sélection des donneurs et les conditions de prélèvement, en particulier en termes de délai, sont régis par des directives strictes. Pour être éligible à une greffe à partir d’un DDAC, un receveur doit être âgé de moins de 65 ans, ne pas présenter d’immunisation anti-HLA et avoir signé un consentement préalable. L’inscription sur cette liste particulière est parallèle à l’inscription sur la liste d’attente classique, et en cas d’échec de transplantation le patient est réinscrit sans perdre son ancienneté.

2. Bilan

Le bilan réalisé chez les donneurs d’organes après mort encéphalique ou arrêt cardiaque est forcément limité par les délais courts imposés avant le prélèvement d’organes. Ce bilan a deux objectifs :

  • évaluer la fonction des organes afin de déterminer lesquels sont proposables au don et de permettre aux équipes d’accepter ou de refuser un greffon pour un receveur donné en fonction des données médicales ;
  • dépister les pathologies infectieuses ou tumorales susceptibles d’être transmises aux receveurs lors de la transplantation.

Le bilan des donneurs, établi sous l’égide des coordinateurs et coordinatrices de prélèvements d’organes, est accessible au niveau national sur la plateforme Cristal de l’Agence de la biomédecine. Ces bilans sont anonymes et comprennent :

  • l’âge, le sexe, les mensurations et l’index de masse corporelle (IMC) du donneur ;
  • les circonstances de décès : date et heure de l’événement causal, nature de celui-ci, évolution, date et heure du décès ;
  • les sérologies VIH, VHB, VHC, HTLV, EBV, CMV, syphilis ;
  • les antécédents généraux et de mode de vie du donneur ;
  • un bilan infectieux (hémocultures, antibiothérapie préprélèvement) ;
  • un bilan hémodynamique : stabilité des chiffres tensionnels, utilisation de drogues vasopressives et leurs doses ;
  • un bilan des différents organes proposables : celui-ci associe bilan biologique (ionogramme, bilan hépatique, gaz du sang, etc.) et un bilan morphologique : celui-ci peut, à l’étage abdominal, ne comporter qu’une échographie, mais un scanner est beaucoup plus informatif, tant pour la recherche de lésions occultes que pour l’évaluation des organes et des vaisseaux.

D. Donneurs vivants

Le bilan du patient candidat à un don de rein suit trois grands axes :

  • premièrement, s’assurer de la compatibilité du donneur potentiel avec le receveur :
    • détermination du groupe sanguin,
    • typage HLA,
    • cross-match entre donneur et receveur potentiels ;
  • deuxièmement, s’assurer de la faisabilité de la transplantation sur le plan rénal, et de ne pas faire courir de risque d’IRC au donneur. Le bilan rénal comprend :
    • dosage de la créatininémie, débit de filtration glomérulaire calculé (Cockroft/MDRD) et mesuré,
    • recherche de protéinurie, d’hématurie, ECBU,
    • morphologie rénale : TDM abdomino-pelvienne injectée (uro- et angio-TDM) par un radiologue entraîné, pour connaître les mensurations, l’aspect du rein et de l’uretère, le type de vascularisation (nombre d’artères et localisation),
    • la fonctionnalité du rein : scintigraphie rénale au DTPA ou au MAG 3 pour mesure isotopique du débit de filtration glomérulaire ;
  • troisièmement, s’assurer de l’absence de pathologies susceptibles de s’aggraver après le don, de problèmes infectieux ou néoplasiques :
    • bilan biologique général : hémogramme, bilan lipidique, bilan glycémique, urée, ionogramme, calcémie, phosphorémie, bicarbonates, protidémie, hémostase, CRP,
    • bilan cardiaque : ECG, échographie, bilan métabolique, éventuellement Holter tensionnel,
    • bilan pulmonaire,
    • échographie abdominale, bilan hépatique, fibroscopie digestive haute, Hemoccult II® après 40 ans,
    • sérologies virales,
    • bilan gynécologique, ORL, ophtalmologique, stomatologique, PSA chez les hommes après 50 ans, électrophorèse des protéines sanguines.

Les examens en rapport avec le don sont intégralement pris en charge par la Sécurité sociale.

V – Transplantation rénale

A – Principes d’attribution des greffons

L’attribution des greffons rénaux aux patients sur la liste d’attente se fait selon différentes modalités, selon l’origine du greffon :

  • il s’agit d’un rein dit « local », c’est-à-dire prélevé sur le lieu où aura lieu la greffe ou du moins par la même équipe : il est alors possible de choisir son receveur, en fonction des impératifs locaux, même si l’Agence de biomédecine (ABM) fournit via la plateforme Cristal une aide au choix en présentant en premier les 5 patients de la liste locale qu’elle juge les plus adaptés ;
  • il s’agit d’un rein venant d’une autre équipe : le greffon est alors proposé à chaque équipe pour un unique receveur, déterminé en fonction des compatibilités de groupe sanguin, d’éventuelles priorités au niveau national (greffes pédiatriques, greffes combinées rein + organe vital, greffe rein-pancréas, patients hyperimmunisés, patients immunisés full-match, patients ayant une dérogation accordée par un collège d’experts), puis en fonction de l’ordre sur la liste d’attente déterminé par le « score rein ». Celui-ci prend en compte la compatibilité tissulaire, la différence d’âge entre donneur et receveur, la durée d’attente du receveur sur liste, le FAG. Le rein est d’abord proposé au niveau régional (interrégions définies par l’ABM) puis, s’il est refusé par les équipes régionales, au niveau national.

Les greffons sont attribués à des receveurs de groupe sanguin identique, hormis pour les patients hyperimmunisés ou ayant obtenu une dérogation pour pouvoir être transplantés avec un greffon de groupe compatible mais non identique. La difficulté d’accès à la greffe est estimée par deux paramètres accessibles sur la plateforme Cristal : le FAG et le taux de greffons incompatibles. Le FAG correspond, pour chaque patient dans son interrégion et son groupe ABO, au nombre de donneurs qui auraient pu lui être proposés avec au maximum 3 incompatibilités HLA, en tenant compte de l’immunisation et des antigènes HLA interdits chez le receveur. Le calcul du FAG et du taux de greffons incompatibles se base sur les donneurs recensés au cours des cinq dernières années.

B – Technique de greffe rénale

La transplantation rénale est une opération aujourd’hui bien codifiée, dont la technique est largement standardisée. En cas de première transplantation rénale, celle-ci est réalisée au niveau de la fosse iliaque, le plus souvent à droite compte tenu de la meilleure accessibilité des vaisseaux. Les anastomoses artérielle et veineuse sont réalisées sur les vaisseaux iliaques externes, et la réimplantation urétérale se fait dans la majorité des cas directement au niveau de la vessie avec la réalisation d’un montage antireflux.

Avant la transplantation proprement dite, le greffon doit être préparé afin de faciliter les anastomoses (dissection des tissus péri-artériels, périveineux et péri-urétéraux), et libéré de la graisse périrénale afin de s’assurer de l’absence de tumeur qui serait passée inaperçue lors du bilan du donneur. La préparation urétérale doit être minutieuse afin de préserver au mieux la vascularisation.

Lors de la phase de préparation du greffon, puis pendant la greffe jusqu’au déclampage final, il est primordial de conserver le greffon le plus possible à 4 °C. En effet, le non-respect de la « chaîne du froid » est à l’origine de lésions pouvant entraîner un retard de reprise de fonction du greffon, qui influe à long terme sur la survie de celui-ci. Ces différentes étapes doivent être réalisées dans les meilleures conditions d’asepsie afin d’éviter la transmission de micro-organismes au receveur. Le risque majeur est celui du développement d’anévrismes mycotiques en cas d’infection bactérienne ou fongique du site d’implantation du greffon, pouvant se rompre sans signe avant-coureur et entraîner le décès du receveur.

C – Complications chirurgicales précoces

Les principales complications chirurgicales précoces pouvant compromettre la fonction du greffon sont la thrombose artérielle, la thrombose veineuse, l’hématome de loge et les fistules urinaires.

  • Les thromboses vasculaires sont à suspecter en cas d’absence de reprise de diurèse du greffon, ou d’effondrement brutale de celle-ci. Elles peuvent être secondaires à des fautes techniques lors de la transplantation, ou plus tardivement à un rejet du greffon. Le patient présente des douleurs du greffon, associées souvent en cas de thrombose veineuse à une hématurie de type « vieux sang ». Le diagnostic est fait par l’échographie-Doppler réalisée en urgence, et elles imposent la reprise chirurgicale en urgence. Le pronostic en est sombre.
  • Les fistules urinaires sont souvent de diagnostic différé par rapport à l’intervention initiale. Hormis les erreurs techniques de suture vésicale ou urétérale, la cause principale est la nécrose d’un uretère mal vascularisé, en particulier en cas d’artère rénale polaire inférieure méconnue, sectionnée ou thrombosée. Le diagnostic est souvent fait par dosage de la créatininémie dans les redons, qui révèle la présence d’urine dans ceux-ci, et par l’imagerie (uroscanner) mettant en évidence un urinome et le lieu de la fuite urinaire.
  • Les lymphocèles sont secondaires à la dissection des vaisseaux iliaques et à une lymphostase insuffisante à ce niveau. Elles se développent généralement en quelques semaines, et leur présentation varie. En cas de lymphocèle de petit volume non compressive, celle-ci peut être simplement surveillée jusqu’à stabilisation puis résorption. La principale complication en cas de lymphocèle de grande abondance est la compression urétérale, entraînant une insuffisance rénale et nécessitant d’une part le drainage du rein en urgence et d’autre part le traitement de la lymphocèle.
  • Les hémorragies postopératoires sont rares, mais potentiellement graves. Au-delà du cas des artérites infectieuses (anévrismes mycotiques dont la rupture brutale est gravissime), on peut observer des hémorragies secondaires à la re-perméabilisation de petits vaisseaux négligés lors de la préparation du greffon, ou le développement d’hématomes de la loge de transplantation par saignements diffus chez des patients présentant des troubles de l’hémostase. Les patients insuffisants rénaux chroniques présentent des thrombopathies les rendant très sensibles aux traitements anticoagulants, au-delà des problèmes de surdosage rapide liés à une fonction rénale altérée. En conséquence, il ne faut pas faire d’anticoagulation préventive postopératoire systématique après la transplantation rénale, et les patients ayant une indication à la mise en route d’un traitement anticoagulant (antécédents de maladie thrombotique, artères multiples du greffon) doivent être traités par héparine sodique à la seringue électrique puis héparine calcique (pas d’héparine de bas poids moléculaire) à dose préventive.

VI – Après la transplantation

A – Traitement immunosuppresseur

Le traitement immunosuppresseur associe plusieurs molécules agissant à différents stades du processus d’allo-reconnaissance, afin de minimiser les risques de rejet. Il n’y a pas de consensus concernant les associations de molécules, ni le calendrier de modification des doses. Néanmoins, les schémas classiques associent en début de greffe des corticostéroïdes, un inhibiteur de la calcineurine et un antimétabolite tel que le mycophénolate mofétil. À ceci s’ajoute dans les premiers jours après la transplantation un traitement d’induction dont l’intensité est fonction du risque immunologique du patient : immunisation préalable, transplantation antérieure, existence d’anticorps dirigés contre le donneur (Donor Specific Antibodies [DSA]) au moment de la greffe.

1 – Corticostéroïdes

Les patients reçoivent de la prednisone (Cortancyl®, par voie orale) ou de la méthylprednisolone (par voie intraveineuse), avec une dose initiale de 20 à 25 mg par jour de prednisone. La forme intraveineuse est utilisée lorsque la voie orale est impossible, à une dose double (soit 40 mg de méthylprednisolone pour un patient recevant 20 mg de prednisone). L’hémisuccinate d’hydrocortisone n’a pas d’action immunosuppressive et ne doit donc pas être utilisé à la place de la méthylprednisolone ; il est en revanche associé en cas de geste opératoire pour éviter une insuffisance surrénalienne.

Quel que soit le schéma de diminution voire de suppression des corticoïdes, ceux-ci ne doivent pas être arrêtés brutalement.

Ils agissent au niveau de la présentation des antigènes aux cellules T (signal 1), puis au niveau de la transduction des informations au noyau cellulaire.

2 – Inhibiteurs de la calcineurine

Il existe deux molécules dans cette classe : la ciclosporine A (Néoral®) et le tacrolimus (Advagraf®, Prograf®). Le tacrolimus est le plus utilisé en première intention en transplantation rénale, la ciclosporine lui étant substituée dans certains cas. Il existe de nombreuses interactions médicamenteuses et alimentaires via le métabolisme du cytochrome P450 nécessitant des adaptations de dose voire contre-indiquant certaines associations médicamenteuses. À fortes doses, les inhibiteurs de la calcineurine sont néphrotoxiques, ce qui explique par exemple certaines indications de transplantation rénale chez des patients transplantés cardiaques avec une exposition longue à la ciclosporine. Il est donc aussi nécessaire de surveiller les taux résiduels afin de s’assurer que le patient se trouve dans la zone thérapeutique : les objectifs varient avec l’ancienneté de greffe (un patient récemment transplanté doit avoir des niveaux d’immunosuppression, et donc d’imprégnation en inhibiteur de la calcineurine plus élevés).

Ils agissent au niveau de la transmission des informations au noyau cellulaire.

Les effets secondaires les plus fréquents sont :

  • le diabète (effet secondaire aggravé par la prise de corticoïdes) ;
  • la néphrotoxicité ;
  • l’hyperlipidémie ;
  • l’hyperuricémie ;
  • les tremblements ;
  • les perturbations modérées du bilan hépatique ;
  • les effets secondaires cosmétiques : hypertrichose, hyperplasie gingivale, alopécie…

 

3 – Antimétabolites

Les deux molécules les plus employées sont le mycophénolate mofétil (Cellcept®) et l’azathioprine (Immurel®). Ce sont des inhibiteurs de la synthèse des bases puriques qui agissent donc en bloquant la prolifération cellulaire. Le mycophénolate mofétil a une plus grande spécificité pour les lymphocytes que l’azathioprine, et est le plus fréquemment employé ; l’azathioprine peut lui être substitué en cas d’effets secondaires persistants malgré les diminutions de dose ou les changements de galénique, ou en cas d’infection virale non contrôlée.

Les principaux effets secondaires du mycophénolate mofétil sont digestifs (diarrhées imposant parfois l’arrêt du traitement). Les principaux effets secondaires de l’azathioprine sont hématologiques (leucopénie et thrombocytopénie).

4 – Inhibiteurs de mTOR

Les deux molécules de cette classe (inhibiteurs de la tyrosine kinase) sont le sirolimus (Rapamus®) et l’éverolimus (Certican®). Ces molécules peuvent être utilisées à la place des inhibiteurs de la calcineurine avec deux avantages principaux :

  • elles ne sont pas néphrotoxiques ;
  • elles ont une certaine activité suppressive de tumeur et sont donc proposées en relais chez des patients transplantés ayant présenté un cancer post-transplantation.

Elles agissent également au niveau de la transmission d’information au noyau cellulaire mais par un mécanisme différent de celui des inhibiteurs de la calcineurine.

Ces molécules ont un effet anti-angiogénique entraînant des retards de cicatrisation et des lymphocèles ; elles ne doivent donc pas être introduites à proximité d’une intervention chirurgicale. Leur introduction ne se fera que 6 semaines après, les inhibiteurs de calcineurine étant employés entre-temps.

Les effets secondaires sont non négligeables, entraînant jusqu’à 30 % d’arrêt de traitement du fait de la gêne qu’ils occasionnent. Les plus fréquents sont :

  • les pneumopathies interstitielles : il s’agit d’un effet secondaire rare mais grave, imposant l’arrêt du traitement et interdisant sa reprise ;
  • les perturbations du bilan lipidique ;
  • la survenue d’aphtes buccaux.

5 – Anticorps poly- et monoclonaux

Ceux-ci peuvent être utilisés en traitement d’induction de la greffe, ou dans le traitement des épisodes de rejet aigu. Les différentes préparations utilisables sont :

  • le basiliximab (Simulect®) : il s’agit d’un anticorps monoclonal anti-CD25 humanisé, utilisé dans le traitement d’induction. Il est indiqué chez les patients à risque immunologique faible ;
  • l’ATG (immunoglobuline antilymphocyte T) est composée d’anticorps polyclonaux obtenus en immunisant des lapins à l’aide de cellules T activées humaines. Elle est utilisée en traitement d’induction chez les patients ne présentant pas un risque immunologique élevé, ou en traitement du rejet aigu ;
  • la thymoglobuline est composée d’anticorps polyclonaux obtenus en immunisant des lapins à l’aide de thymocytes. Elle est utilisée en traitement d’induction chez les patients à risque immunologique élevé ou en traitement du rejet aigu.
  • Les anticorps polyclonaux peuvent induire des réactions à type d’arthralgies, de fièvre et/ou frissons, voire de maladie sérique ;
  • les immunoglobulines intraveineuses (IVIG) : celles-ci sont obtenues à partir de plasmas humains combinés. Elles sont utilisées depuis longtemps dans le traitement des déficits immunitaires, et sont de mode d’action complexe. Elles sont principalement utilisées en association avec un des traitements d’induction en cas de DSA préexistants, ou en association avec les échanges plasmatiques en cas de rejet aigu et d’apparition de DSA.

B – Suivi post-greffe

Le rythme de suivi est variable en fonction du délai écoulé depuis la greffe. Lors des trois premiers mois, il est courant de réaliser deux bilans biologiques (NFS, numération plaquettaire, ionogramme sanguin et urinaire, glycémie, ECBU) par semaine, associés à une ou deux consultations médicales. Le rythme est ensuite progressivement allégé, jusqu’à arriver à terme à un bilan par mois et une consultation tous les trois mois en moyenne. L’organisation exacte des consultations dépend des équipes. La transplantation rénale rentre dans le cadre des affections de longue durée (ALD n° 28). Les recommandations publiées par l’HAS en novembre 2007 concernant le suivi des patients transplantés rénaux après 3 mois rappellent que :

  • le suivi du transplanté rénal est un suivi partagé, organisé par le centre de transplantation. Un échange des informations entre les différents intervenants est indispensable ;
  • le médecin traitant doit contacter le centre de transplantation en cas de :
    • fièvre non expliquée ou non résolutive en 48–72 h,
    • tension ou douleur du transplant,
    • hématurie macroscopique,
    • oligurie ou anurie,
    • élévation de la créatininémie de plus de 20 % par rapport à sa valeur la plus basse après transplantation,
    • anémie, leucopénie, thrombopénie significatives,
    • augmentation significative de la protéinurie,
    • tout événement justifiant une modification majeure du traitement immunosuppresseur,
    • reprise d’une épuration extra-rénale ou proposition de réinscription sur liste d’attente,
    • inclusion du patient dans un essai thérapeutique,
    • patient non observant,
    • indication d’une ponction-biopsie rénale,
    • hospitalisation, quelle qu’en soit la cause,
    • grossesse ou projet de grossesse,
    • diabète,
    • toute pathologie sévère, notamment cancéreuse,
    • décès du patient ;
  • une consultation annuelle au minimum doit avoir lieu systématiquement dans le centre de transplantation.

Les examens à réaliser systématiquement lors de ces consultations sont :

  • un examen clinique ;
  • un ionogramme sanguin ;
  • un bilan hépatique ;
  • une créatininémie avec estimation du débit de filtration glomérulaire ;
  • une protéinurie des 24 h ;
  • une bandelette urinaire, un ECBU en cas de positivité de celle-ci ;
  • une évaluation des effets indésirables des immunosuppresseurs, de l’observance thérapeutique ;
  • un suivi pharmacologique des immunosuppresseurs à index thérapeutique étroit (anticalcineurines ou inhibiteurs mTOR) ;
  • la prise de la tension artérielle ;
  • une glycémie à jeun ;
  • la pesée, avec évaluation de l’index de masse corporelle ;
  • un hémogramme ;
  • une calcémie et une phosphatémie.

Le bilan lipidique est à réaliser tous les 6 mois. Les autres éléments de suivi sont fonction de l’orientation clinique et biologique.

C – Bilan annuel

En plus des examens réalisés au cours du suivi normal, celui-ci reprend les grands principes de l’évaluation prégreffe et comporte :

  • une recherche des anticorps anti-HLA classe I et classe II ;
  • un suivi cardiologique : ECG et échographie cardiaque ;
  • un dosage de l’uricémie ;
  • un examen dermatologique à la recherche de cancers cutanés, de maladie de Kaposi, d’infections à papillomavirus ;
  • une échographie des reins natifs (pour dépister une tumeur rénale) ;
  • un suivi osseux (ostéopénie et ostéoporose) : examen clinique, dosage de la 25-OH D3, ostéodensitométrie à 6 mois de greffe puis tous les 2 ans en cas de normalité, annuelle en cas d’anomalie ou de corticothérapie à forte dose ;
  • la réalisation d’un dosage des anticorps anti-HBs avec rappel ou revaccination si le taux est < 10 mUI/mL ;
  • le dépistage d’une infection à BK virus (BKV).

VII – Infections en transplantation

Le développement des différents types d’infection chez le patient transplanté rénal suit un calendrier assez stéréotypé au cours des six premiers mois :

  • dans le premier mois postopératoire, il s’agit principalement d’infections bactériennes liées à l’intervention ou aux soins postopératoires (infection du site opératoire, infection sur cathéter, infection urinaire sur sonde, etc.). Une réactivation hépatitique B ou herpétique est aussi possible ;
  • entre le premier et le 6e mois post-transplantation, on observe la réactivation d’infections latentes chez le receveur : réactivation CMV, EBV, BKV, VZV, VHC ;
  • les six premiers mois post-greffe sont aussi la période la plus à risque de développer des infections opportunistes : infections fongiques, pneumocystose, infections mycobactériennes, aspergillose, toxoplasmose, nocardiose, listériose ;
  • les infections digestives à cryptocoque sont souvent plus tardives, apparaissant à partir du 3e mois post-transplantation.

Au-delà de ce délai, les patients peuvent être séparés en trois catégories :

  • ceux ayant un bon résultat de greffe, avec une immunosuppression réduite par rapport à la première année ;
  • ceux ayant un résultat médiocre, du fait d’épisodes de rejet, nécessitant un niveau plus élevé d’immunosuppressions ;
  • ceux porteurs d’infections virales chroniques de type CMV ou EBV, qui retentissent sur leur statut immunitaire et demandent souvent une adaptation du traitement immunosuppresseur.

Les patients du premier groupe développent principalement des infections de type communautaire. Cependant, il ne faut jamais oublier que ces infections sont potentiellement plus graves que chez le patient immunocompétent, et que leur symptomatologie peut être modifiée du fait du traitement immunosuppresseur. C’est entre autres le cas des poussées de sigmoïdite, qui peuvent évoluer vers des péritonites stercorales gravissimes avec un tableau clinique pauvre. Les patients des deux autres groupes sont à risque de développer des infections opportunistes même à un délai éloigné de la transplantation.

Quatre-vingts pour cent des infections chez le transplanté sont d’origine bactérienne, et les infections urinaires sont les plus fréquentes chez le transplanté rénal. Les infections pulmonaires, bien que moins fréquentes, sont la première cause de mortalité chez le transplanté rénal. En cas de sepsis, une antibiothérapie probabiliste à large spectre, orientée par l’examen clinique, doit être employée puis adaptée en fonction des résultats des prélèvements à visée bactériologique.

Les infections fongiques sont plus rares en transplantation rénale que dans les autres transplantations d’organes solides mais restent une cause de mortalité élevée.

L’infection à cytomégalovirus (CMV) est fréquente et peut correspondre soit à une réactivation d’une infection latente, soit à une primo-infection. Elle peut être symptomatique ou non, invasive (atteinte d’organes tels que le poumon, le foie, le tube digestif) ou réalisant un simple syndrome grippal. Le traitement de première intention est le ganciclovir par voie intraveineuse pour les formes graves, avec un relais oral possible par valganciclovir (qui peut être utilisé en première intention pour les formes modérées). Un traitement prophylactique est indiqué chez les receveurs CMV négatifs recevant un greffon de donneur CMV positif.

L’infection à BK virus est responsable d’atteintes rénales latentes, susceptibles de se réactiver en cas d’immunosuppression et d’entraîner des néphrites tubulo-interstitielles ou des sténoses urétérales. Le traitement repose principalement sur l’allégement de l’immunosuppression, ce qui augmente le risque de rejet et d’altération de la fonction rénale.

L’infection à Epstein-Barr Virus (EBV) est associée avec un risque de survenue de maladies lymphoprolifératives (Post-Transplantation Lymphoproliferative Disease [PTLD]).

VIII – Aspects éthiques et légaux

A – Organisation des transplantations

Elle est entièrement régie par l’Agence de la biomédecine (ABM) depuis la loi de bioéthique de 2004.

L’ABM assure les attributions de greffons aux patients inscrits en liste d’attente. Dans ce cadre, elle est organisée en interrégions/services de régulation et d’appui placés chacun sous l’autorité d’un chef de service. C’est sur la base de ces interrégions que s’organise le prélèvement et que s’appliquent les règles de répartition des greffons :

  • d’une part en zones interrégionales de prélèvement et de répartition (ZIPR) des greffons qui sont au nombre de 7 ;
  • et d’autre part en services de régulation et d’appui (SRA) de l’Agence de la biomédecine, au nombre de 4, qui constituent les niveaux d’organisation déconcentrés de l’Agence11, ainsi qu’un pôle national de répartition des greffons.

B – Donneurs décédés

1 – État de mort encéphalique (article R. 1232-1 à 4)

Si la personne présente un arrêt cardiaque et respiratoire persistant, le constat de la mort ne peut être établi que si les trois critères cliniques suivants sont simultanément présents :

  1. Absence totale de conscience et d’activité motrice spontanée.
  2. Abolition de tous les réflexes du tronc cérébral.
  3. Absence totale de ventilation spontanée.

L’absence de ventilation spontanée est vérifiée par une épreuve d’hypercapnie.

Il est recouru pour attester du caractère irréversible de la destruction encéphalique :

  1. Soit à deux électroencéphalogrammes nuls et aréactifs effectués à un intervalle minimal de quatre heures, réalisés avec amplification maximale sur une durée d’enregistrement de trente minutes et dont le résultat est immédiatement consigné par le médecin qui en fait l’interprétation.
  2. Soit à une angiographie objectivant l’arrêt de la circulation encéphalique et dont le résultat est immédiatement consigné par le radiologue qui en fait l’interprétation.

Le procès-verbal de constat de la mort indique les résultats des constatations cliniques concordantes de deux médecins. Il mentionne, en outre, le résultat des examens 1° ou 2°, ainsi que la date et l’heure de ce constat. Ce procès-verbal est signé par les deux médecins susmentionnés.

Les médecins qui établissent le constat de la mort, d’une part, et ceux qui effectuent le prélèvement ou la greffe, d’autre part, doivent faire partie d’unités fonctionnelles ou de services distincts.

2 – Consentement (article R. 1232-5 à 14)

En France, le consentement est présumé, ce qui signifie qu’en l’absence de refus exprimé de son vivant le prélèvement est en théorie possible.
Néanmoins :

  • la consultation du registre national des refus tenu par l’ABM devient le moyen principal, mais non exclusif d’expression des refus et est légalement indispensable ;
  • une discussion avec la famille est possible (loi Touraine) ;
  • son accord est indispensable même en cas d’accord de son vivant.

C – Donneurs vivants

Le Code de la santé publique fixe précisément les conditions du don d’organes du vivant (articles L. 1231-1 et L. 1231-3 du Code de la santé publique issus de la loi de bioéthique n° 2011-814 du 7 juillet 2011).

Peuvent pratiquer le don :

  • le père ou la mère du receveur ;
  • son conjoint ;
  • son frère ou sa sœur ;
  • son fils ou sa fille ;
  • un grand-parent ;
  • son oncle ou sa tante ;
  • son cousin germain ou sa cousine germaine ;
  • le conjoint de son père ou de sa mère ;
  • toute personne pouvant justifier d’au moins deux ans de vie commune avec le malade ;
  • depuis 2011 : toute personne pouvant apporter la preuve d’un lien affectif étroit et stable depuis au moins deux ans avec le receveur.

Le candidat au don doit être majeur (sans limite d’âge) et ne pas faire l’objet de mesure de protection légale.

Le don doit être gratuit et librement consenti. Quel que soit le lien entre donneur et receveur, toute forme de pression psychologique ou financière est inacceptable et interdite par la loi.

Depuis 2011, la loi française autorise le don croisé. Quand les groupes sanguins ou HLA sont incompatibles, il sera désormais possible d’envisager que le receveur (receveur 1) bénéficie du don d’une autre personne (donneur 2) également en situation d’incompatibilité avec son receveur (receveur 2), ce dernier bénéficiant du don du premier donneur (donneur 1). Les deux opérations chirurgicales sont alors engagées simultanément, en respectant l’anonymat entre greffé et donneur. Cette possibilité est appelée à se développer très progressivement dans notre pays. Actuellement, ce don croisé n’est possible qu’entre deux « couples » donneurs-receveurs (« doublet »), ce qui exclut les « chaînes » de transplantation entre plusieurs « couples » de donneur/receveur incompatibles entre eux mais compatibles avec des donneurs-receveurs d’autres couples. L’ABM gère un registre des « couples » ainsi formés. Un cycle d’appariement (matchrun) est réalisé par l’ABM tous les 3–4 mois sous réserve d’un nombre suffisant de « couples » donneurs-receveurs inscrits.

Le candidat au don doit exprimer son consentement devant le président du tribunal de grande instance. Celui-ci s’assure que le consentement est libre et éclairé et que le don est conforme aux conditions de la loi. Le donneur peut revenir sur sa décision à tout moment et par tout moyen.

La candidature du donneur est également examinée par un comité donneur vivant pour le don de rein. Les comités donneur vivant ont été créés pour renforcer la protection des donneurs d’un point de vue éthique.

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